2020.08.21
Kinokoyun, autrice de “Boys Love”: comprenez l’importance des relations au Japon
C’est une chose considérable
Je vais commencer par un peu vous parler de moi.
Ma fille vient de commencer le collège cette année. L’autre jour, alors que nous étions dans la voiture, je lui ai posé toutes les questions habituelles qu’un parent pose à son adolescent. “Est-ce que c’est difficile le collège ?”, “Qu’est-ce qui te plait à l’école ?”, “Qu’est-ce que tu aimes faire en ce moment ?”
Elle m’a répondu : “Je suis une otaku, donc en ce moment on ne parle que de ça avec mes amis”.
Ah, du coup elle est comme le reste de sa génération, fan d’anime de romance et d’action-aventure. Mais… elle s’est elle-même définie comme “otaku”, est-elle en train de suivre les traces de son père ?
Puis elle a prononcé les mots suivants : “J’aime les histoires dans lesquelles Tan **** et Zen ****…”, et ça m’a complètement bouleversé. Ma fille de douze ans suit déjà cette voie ?!
Elle parlait de “Boys Love”. Ma fille lisait des Boys Love ! Un sujet si adulte pour mon enfant de douze ans… c’était au-delà de ce que je pouvais endurer en tant que père ! J’ai donc contacté la célèbre mangaka BL (pour “Boys Love”), Kinokoyun.
Sensei !! Ma fille lit des BL !!
“Ahaha et alors ?! Laissez la faire”
Mais ?! Elle est seulement dans sa première année de collège… Elle est en pleine puberté… A cet âge elle devrait plutôt rougir rien qu’à l’idée de partager son livre de cours avec le garçon qu’elle préfère dans la classe non ?
“Pas d’inquiétude. C’est plutôt une bonne chose qu’elle ait découvert le BL à son âge. Une très bonne chose même. Tout ce que vous avez à faire est simplement de la regarder grandir maintenant.”
L’espace de travail de Kinokoyun, décoré avec ses figurines préférées
Née en Malaisie, travaillant au Japon
En discutant avec Kinokoyun, j’ai appris qu’elle venait en fait de Malaisie. Elle est venue au Japon il y a 15 ans pour poursuivre son rêve qui était de dessiner des mangas.
“À l’origine, j’aimais les mangas de type shonen japonais, comme Dragon Ball. Je voulais dessiner mon propre manga, alors c’est ce que j’ai fait, et j’ai tenté de l’envoyer à des maisons d’édition malaisiennes. J’ai fini par gagner un prix… et c’est ainsi que tous les malentendus ont commencé. “
Vous avez remporté un prix juste après avoir commencé à dessiner des mangas ? C’est donc la preuve de votre talent. Qu’est ce qui ne s’est pas bien passé ?
“Il n’y avait qu’une seule société d’édition de manga en Malaisie à l’époque, et j’avais imaginé que cela m’aiderait à devenir mondialement connu et à devenir pro au Japon.”
Ah, je vois. Il y avait une énorme différence entre la culture manga au Japon et en Malaisie.
“Je voulais que mon manga soit aussi lu par les japonais, c’est pourquoi je suis venue au Japon. Certaines personnes m’ont complimenté pour mon courage et mon esprit d’initiative, mais je pense que j’ai plutôt été stupide (rires)”
Le premier travail de Kinokoyun, qui lui a valu un prix.
Obstacles linguistiques, culturels et loi de l’immigration
Comme elle ne comprenait pas du tout le japonais à l’époque, la première chose que fit Kinokoyun fût de s’inscrire dans une école de japonais. Elle a étudié dur pour atteindre un niveau conversationnel.
“Même si c’était une école, ils ne pouvaient pas tout m’apprendre pour réussir dans la société. Ils m’ont aidé à avoir un niveau équivalent à un niveau d’école primaire, ou plutôt préélémentaire, mais pour le reste, je devais me débrouiller. Le japonais est vraiment difficile. Par exemple, je travaille dans la traduction de manga et je pense que traduire du japonais vers une autre langue n’est pas particulièrement difficile. En revanche, traduire d’une langue étrangère vers le japonais est vraiment compliqué ! Il y a beaucoup de mots japonais qui pourraient fonctionner pour différents types de dialogues entre les personnages.”
Je comprends… Il y a énormément de Kanji en Japonais, chacun ayant plusieurs lectures différentes, et il existe une variété infinie de phrases. En y réfléchissant, il ne semble pas surprenant que des non natifs aient du mal à décider lesquels choisir.
“Le manga japonais est aussi populaire à l’étranger, ainsi que les BL !
Fière de qui elle est
Kinokoyun est arrivée au Japon avec une passion pour les mangas shonen, rêvant de devenir une célèbre autrice… mais comment a-t-elle fini par écrire des BL ?
“J’ai toujours aimé les BL ! Ce n’est pas une chose réservée au Japon. De nos jours, ce n’est même plus quelque chose dont on doit se cacher. C’est devenu un genre populaire dans le monde entier, comme par exemple aux Etats-Unis et bien sûr en Malaisie. Les gens peuvent me traiter de “fujoshi”, ou de Yaoi freak, mais les histoires de BL n’ont rien d’inhabituel. Prenons l’exemple des magazines pour adultes. Même si beaucoup de femmes rougissent en les regardant, c’est ce que les hommes aiment et ils devraient être libres d’en profiter. Le BL est la même chose pour les femmes.
C’est vrai… En y réfléchissant, cela paraît évident.
“Les Fujoshi sont partout !!!”
Elle est très persuasive. Mais nous n’avons pas pu nous empêcher de remarquer que Kinokoyun ne s’offusque pas d’être considérée comme “fujoshi”, un terme que les gens utilisent souvent de manière péjorative envers les femmes qui aiment les histoires d’amour entre garçons.
“C’est vrai. On m’a traité de dépravée et tout ça, mais je m’en fiche. Je suis une fujoshi, après tout, et, en tant que personne, je suis plutôt une dépravée (rires)”
Au contraire, nous pensons qu’elle est plutôt une personne pure.
“Je travaille pour un magazine, donc aussi dépravée que je puisse être, je dois tout de même assumer la responsabilité de mon manga. Je ne peux pas travailler seule, c’est grâce à mes éditeurs et assistants que je peux continuer. Après tout, les doujinshi ont le droit d’être dépravés ! C’est agréable de pouvoir écrire ce qu’on veut, comme on veut. Des mecs sexy et bien musclés qui sont éperdument amoureux l’un de l’autre… Ahh… j’adore ça !”
Un style très BL, dessin représentant des hommes virils et efféminés à la fois
Peu importe votre talent, vous ne pouvez pas y arriver seul
Kinokoyun soutient également les jeunes auteurs de manga qui souhaitent devenir célèbres au Japon.
“J’ai discuté avec de nombreux jeunes qui ont de grands rêves. “Je veux réussir au Japon”, “Je veux dessiner des mangas”… je trouve ces rêves admirables. Mais peu importe votre talent, vous ne pourrez pas y arriver seul. Il y a des barrières de langue et de culture… et, même si je suis maintenant une citoyenne naturalisée, quand je suis au Japon, je reste une étrangère. Il y a beaucoup de difficultés à démarrer cette nouvelle vie, à commencer par quel type de visa obtenir. J’ai sûrement eu beaucoup de chance en arrivant au Japon car de nombreuses personnes m’ont aidé. Mais il y a énormément de gens qui arrivent ici et voient leurs rêves anéantis, ne pouvant pas franchir les obstacles se dressant sur leur chemin. Il n’est pas rare de venir ici, de dépenser beaucoup d’argent pour apprendre le japonais, pour au final n’aboutir à rien. Mais, si quelqu’un qui s’accroche vraiment à ses rêves souhaite toujours travailler dur et réussir au Japon même après cela, alors je souhaite l’aider.”
Ces mots ne peuvent être prononcés que par une personne qui a fait beaucoup d’efforts pour en arriver là où elle est aujourd’hui.
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Writer
Shiro Sato
Translator
Jessica Iragne
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